La publicité mensongère et la concurrence déloyale : un fléau pour l’économie et les consommateurs

La publicité mensongère et la concurrence déloyale représentent des pratiques commerciales illicites qui nuisent gravement à l’économie et aux consommateurs. Ces comportements déloyaux faussent le jeu de la concurrence, trompent les clients et portent atteinte à l’intégrité du marché. Face à ces dérives, le droit français et européen a mis en place un arsenal juridique visant à sanctionner ces pratiques et à protéger les acteurs économiques. Cet examen approfondi permettra de mieux comprendre les enjeux et les moyens de lutte contre ces phénomènes préjudiciables.

Les fondements juridiques de la répression de la publicité mensongère

La publicité mensongère est strictement encadrée par le droit français et européen. Le Code de la consommation définit cette pratique comme toute publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur le consommateur. L’article L121-2 du Code de la consommation énumère une liste non exhaustive de pratiques commerciales trompeuses, telles que les fausses allégations sur les caractéristiques d’un produit, son prix ou les conditions de vente.

Au niveau européen, la directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur a harmonisé les règles en la matière. Cette directive a été transposée en droit français par la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.

Les sanctions encourues pour publicité mensongère sont sévères. Elles peuvent aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende pour les personnes physiques. Les personnes morales peuvent quant à elles se voir infliger une amende pouvant atteindre 1,5 million d’euros.

La jurisprudence a précisé les contours de la notion de publicité mensongère. Ainsi, la Cour de cassation a jugé que l’exagération publicitaire, couramment appelée « puffery », n’est pas constitutive de publicité mensongère dès lors qu’elle ne trompe pas le consommateur moyen. En revanche, toute allégation précise et vérifiable se doit d’être exacte sous peine de sanctions.

La concurrence déloyale : définition et manifestations

La concurrence déloyale désigne l’ensemble des pratiques contraires aux usages honnêtes en matière commerciale par lesquelles un professionnel porte atteinte à un concurrent. Contrairement à la publicité mensongère, la concurrence déloyale n’est pas définie par un texte législatif précis mais repose sur les articles 1240 et 1241 du Code civil relatifs à la responsabilité civile délictuelle.

Les tribunaux ont dégagé plusieurs catégories de comportements constitutifs de concurrence déloyale :

  • Le dénigrement : fait de jeter le discrédit sur un concurrent, ses produits ou ses services
  • La confusion : fait de créer une confusion dans l’esprit du public entre deux entreprises ou leurs produits
  • La désorganisation : fait de perturber le fonctionnement interne d’une entreprise concurrente
  • Le parasitisme : fait de se placer dans le sillage d’un concurrent pour tirer profit de ses efforts et de sa notoriété

La jurisprudence a précisé les contours de ces différentes pratiques. Par exemple, la Cour de cassation a jugé que le fait pour une entreprise de débaucher massivement et brutalement les salariés d’un concurrent constituait un acte de concurrence déloyale par désorganisation.

Les sanctions de la concurrence déloyale relèvent du droit civil. La victime peut demander la cessation des agissements déloyaux, la réparation de son préjudice et éventuellement la publication du jugement. Les dommages et intérêts accordés peuvent être conséquents, atteignant parfois plusieurs millions d’euros dans les affaires les plus importantes.

L’articulation entre publicité mensongère et concurrence déloyale

Bien que distinctes, la publicité mensongère et la concurrence déloyale entretiennent des liens étroits. Une publicité mensongère peut en effet constituer un acte de concurrence déloyale lorsqu’elle porte préjudice à un concurrent. Inversement, certaines pratiques de concurrence déloyale comme le dénigrement peuvent s’apparenter à de la publicité mensongère lorsqu’elles reposent sur la diffusion d’informations erronées.

Cette proximité se traduit par la possibilité pour les victimes de cumuler les actions. Ainsi, une entreprise victime d’une publicité mensongère émanant d’un concurrent pourra engager à la fois :

  • Une action pénale sur le fondement des dispositions du Code de la consommation relatives à la publicité mensongère
  • Une action civile en concurrence déloyale sur le fondement des articles 1240 et 1241 du Code civil

Ce cumul d’actions permet d’obtenir à la fois la sanction pénale de l’auteur des faits et la réparation civile du préjudice subi. Il offre ainsi une protection renforcée aux victimes de ces pratiques déloyales.

La jurisprudence a eu l’occasion de préciser l’articulation entre ces deux notions. Dans un arrêt du 27 janvier 2009, la Cour de cassation a ainsi jugé que « l’action en concurrence déloyale peut être engagée par celui qui s’y croit fondé, même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les parties ».

Le rôle des autorités de régulation dans la lutte contre ces pratiques

La lutte contre la publicité mensongère et la concurrence déloyale mobilise plusieurs autorités de régulation qui jouent un rôle complémentaire à celui des tribunaux.

La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est en première ligne. Ses agents sont habilités à constater les infractions, à mener des enquêtes et à prononcer des sanctions administratives. La DGCCRF dispose également d’un pouvoir d’injonction lui permettant d’ordonner la cessation des pratiques illicites.

L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), organisme d’autorégulation de la profession publicitaire, intervient en amont pour prévenir la diffusion de publicités mensongères. Elle émet des avis avant diffusion et peut demander le retrait de publicités non conformes.

L’Autorité de la concurrence joue quant à elle un rôle important dans la répression des pratiques anticoncurrentielles, qui peuvent parfois s’apparenter à de la concurrence déloyale. Elle dispose de pouvoirs d’enquête étendus et peut prononcer des sanctions pécuniaires importantes.

Ces autorités collaborent étroitement entre elles ainsi qu’avec leurs homologues européens. Cette coopération est essentielle face à des pratiques qui dépassent souvent les frontières nationales, notamment dans le contexte du commerce en ligne.

Le cas particulier du numérique

L’essor du numérique a considérablement modifié le paysage publicitaire et concurrentiel, posant de nouveaux défis aux régulateurs. Les réseaux sociaux et les influenceurs sont devenus des vecteurs majeurs de publicité, parfois mensongère. La DGCCRF a ainsi renforcé sa surveillance de ces nouveaux canaux, menant des opérations « coup de poing » contre les influenceurs ne respectant pas la réglementation.

De même, les pratiques de référencement payant sur les moteurs de recherche ou les faux avis en ligne constituent de nouvelles formes de concurrence déloyale auxquelles les autorités doivent s’adapter. La loi pour une République numérique de 2016 a introduit de nouvelles obligations de transparence visant à lutter contre ces dérives.

Vers un renforcement de la protection des consommateurs et de la loyauté commerciale

Face à l’évolution constante des pratiques commerciales, le cadre juridique de lutte contre la publicité mensongère et la concurrence déloyale continue de se renforcer.

Au niveau européen, le New Deal for Consumers lancé en 2018 vise à moderniser la protection des consommateurs. Il prévoit notamment un renforcement des sanctions en cas d’infractions transfrontalières généralisées, pouvant aller jusqu’à 4% du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise fautive.

En France, la loi PACTE de 2019 a élargi les pouvoirs de la DGCCRF, lui permettant notamment de prononcer des amendes administratives plus élevées. Elle a également renforcé les obligations de transparence des plateformes en ligne.

La question de la responsabilité des plateformes numériques dans la diffusion de publicités mensongères ou de pratiques déloyales fait l’objet de débats. Le Digital Services Act européen, entré en vigueur en 2022, impose de nouvelles obligations aux grandes plateformes en matière de modération des contenus, y compris publicitaires.

Enfin, la prise en compte croissante des enjeux environnementaux se traduit par une vigilance accrue envers le « greenwashing », ces allégations écologiques trompeuses qui constituent une forme particulière de publicité mensongère. La loi Climat et Résilience de 2021 a ainsi introduit de nouvelles obligations en matière de publicité environnementale.

L’évolution du cadre juridique témoigne de la volonté des pouvoirs publics de garantir une concurrence loyale et de protéger efficacement les consommateurs. Face à des pratiques toujours plus sophistiquées, la vigilance et l’adaptation constante des dispositifs de contrôle demeurent nécessaires pour préserver l’intégrité du marché et la confiance des consommateurs.